Mais la Performance alors..
L'histoire officielle continue de considérer la Performance
comme un phénomène relié aux années
60. Combien de fois ais-je entendu de la part des officiels de
la culture : "ah bon, un Festival de Performance, mais c'est
dépassé, c'est un sujet des années 70, c'est
fini maintenant, c'est has been..." Par ces 3 mots, tout
était dit ! Ce terme appliqué avec une assurance
défiant toute velléité de défendre
son point de vue et appuyé d'un regard non moins explicite
me rangeant directement dans la catégorie des nigaudes
m'a toujours surpris de la part de fonctionnaires dont on pourrait
espérer que la culture générale est à
la hauteur de leur prétention.
Or la Performance existe de plus en plus, le retour chez les
jeunes des pratiques du corps est flagrant. Une nouvelle génération
d'artistes émergeant utilise ce médium artistique,
au même titre d'ailleurs que les autres médiums
qui sont à leur portée de main. Que ce soient les
actions jusqu'à épuisement de Julie André
(Québec) ou de Melati Suryodarmo (Indonésie) -une
élève de Marina Abramovic-, ou encore de Jamie
McMurry aux USA, les interventions très politiques de
Tanja Ostojic (Serbie), les choix d'une interactivité
avec le public de Ma Liuming (Chine) et Cyril Lepetit (France),
la mise en avant de notre système de surconsommation par
Artur Grabowski (Pologne), Taje Tross en Estonie et les actions
radicales du groupe Non Grata, les tournages de films de Nicholas
Boone en France, les implications sociales de l'irlandais Maurice
O'Connell, les actions sculpturales de Merlin Spie en Belgique,
la relève est indiscutablement assurée. Sans oublier
l'influence des quelques mentors sur leurs étudiants :
Joël Hubaut ou Arnaud Labelle-Rojoux en France, Marina Abramovic
en Allemagne, Alastair McLennan en Irlande, André Stitt
et Roddy Hunter en Angleterre, Bartoloméo Ferrando en
Espagne, Christopher Hewitt en Finlande, Coco Fusco, Nao Bustamente,
Skip Arnold, pour les USA, Artur Tajber en Pologne, Adina Bar-On
en Israël, Seppo Salminen en Finlande, et je dois bien arrêter
ma liste, nous ne sommes pas en peine de découvertes talentueuses.
Julie André.
Melati Suryodarmo.
Ma Liuming.
Cyril Lepetit
Dérapages et censures, un signal d'alarme.
Il est de bon goût aujourd'hui, toujours en France,
de présenter lors d'un vernissage, une "performance"
-que je qualifierai la plupart du temps de théâtre
expérimental- puisque cela devient un phénomène
de mode, dans la mesure ou cette dernière ne salit pas
et ne porte pas à des résultats dérangeants
qui puissent mettre en doute les compétences incontestables
de la galerie ou du musée qui l'organise.
Grâce à ce fait, j'ai eu l'occasion d'assister à
des résurgences d'idées déjà largement
explorées dans les domaines de la performance par des
acteurs, artistes ou musiciens qui le plus sérieusement
du monde viennent se faire applaudir bis repetita, comme sur
la scène d'un grand spectacle, répondant ainsi
à une attente primordiale de notre société
: celle d'être prévisible et esthétique,
donc rassurante.
Disparue la convivialité, la surprise et l'interactivité
habituelle de la performance avec le public, nous sommes désormais
dans l'aire du show business voulue par l'institution bien pensante.
Comme aux Etats-Unis dans les années 90, toute forme artistique
spectaculaire prend désormais en France la dénomination
" Performance ". Tout et n'importe quoi. Ces spectacles
(de danse, théâtre, ou autres formes expérimentales)
n'ont plus rien, à voir avec l'Art Performance. Nous sommes
en plein dans cette ère du spectaculaire prônée
par Guy Debord, il y a déjà quelques décades.
Il est toujours bon de rappeler que la forme originale de la
Performance vient des arts plastiques. Bien sûr sont venues
s'ajouter à cette dernière les autres formes d'expression,
on l'a vu, mais la base reste indéniablement les arts
visuels.
Lyon a toujours été considérée
comme une ville conservatrice et souterraine. Un moral d'acier
est indispensable ainsi qu'une vision globale et à long
terme pour résister aux humeurs des nouveaux élus
lors des changements de municipalité et attendre les bons
vouloirs des collectivités locales.
Pour mémoire, début mai 1995 j'ai assisté
à la Bibliothèque Municipale à une censure
de la lecture-performance de Joël Hubaut par Patrick Beurard-Valdoye,
pendant l'hommage rendu à Gerhasim Luca intitulé
" Tchin Tchin Gherasim " ou Joël se sifflait presque
une bouteille de champagne tout en discutant avec ce poète
disparu. Le repas qui suivit fut des plus animés, l'on
s'en doutera.
Joël Hubaut,
1995.
Dans la même série, en 1995, année décidément
néfaste, à l'Elac, censure aussi de la part de
Thierry Raspail de l'uvre de Gilles Richard qui était
réalisée avec plusieurs Doc(k)s sur l'érotisme.
C'était lors de l'exposition " Poésie Sonnée
" et un curieux premier contact avec les 2 artistes corses
qui forment Akenaton.
Akenaton (Polysonneries
1999). Photo Pierre Laborde.
L'affiche du dernier Festival Polysonneries n'aurait pu voir
le jour sans l'intervention radicale du directeur de l'agence
Dixit, partenaire de la manifestation et créateur du visuel,
Klaus Hersche, le directeur des Subsistances, avait purement
et simplement décidé de l'interdire à 3
semaines de l'événement. Prétextant le mauvais
goût de l'affiche, et préférant faire travailler
son graphiste en Suisse ! Les 5 000 posters avec les belles fesses
de Nino ont bien failli passer à la poubelle
(Visuel affiche
2001)
Mais de tout temps les jalousies ont alimenté les
différentes " chapelles " artistiques. Nul n'échappe
à cette perversité du système. Et tous les
systèmes sont pervers. Même celui des artistes.
|
|