La naissance de FLUXUS

En 1959-60, aux USA, Dick Higgins arrange sur un ring de boxe des "Public Events" à Madison Square. Judson Church dans Greenwitch Village et l'E-pit-o-me Coffee Shop sont alors 2 hauts lieux pour les Events, grâce à Alan Kaprow, Georges Brecht, Al Hansen, La Monte Young, Carolee Schneemann, Dick et Alison Knowles, Yoko Ono.... Tous ces gens innovateurs cherchent un nom pour leur groupe et c'est Maciunas qui le donnera en arrivant en 1962 : Fluxus est né et c'est d'abord le titre d'un périodique. Puis la presse et les journaux étrangers, suite à une tournée européenne (toujours en 1962), attribueront ce nom aux membres du collectif puisqu'ils appartiennent au groupe qui fait cette publication.

Là, Dick et Alison rencontrent ou retrouvent Chiari, Paik, Vostell, Andersen, Spoerri, Filliou, Ben Vautier, de Ridder, Patterson, et quelques autres. La grande différence entre Fluxus et les autres mouvements ou tendances iconoclastes comme le Futurisme, Dada ou le Surréalisme, c'est que Fluxus n'est pas au départ un mouvement, Maciunas n'a jamais eu à l'intérieur du groupe l'autorité qu'avait Breton à l'intérieur du Surréalisme. C'est très important, et c'est aussi pour cela que Fluxus est plus difficile à définir que la plupart des autres mouvements.
Dick et la Monte Young sont les 2 personnes qui ont introduit Maciunas, dont la formation était classique, à l'avant-garde. À son décès, Fluxus est mort physiquement, mais Fluxus survit par ceux qui continuent à propager son esprit.

Dick Higgins, Colloque Art Action au Québec, 1998.

Au même moment, un autre artiste a influencé cette époque : Jean Dupuy. En 1967, il quitte la France pour NY. Il est le témoin de grandes actions menées par les artistes pour de meilleures conditions matérielles et contre la guerre du Viêt-Nam. Il décide d'arrêter la peinture et se consacre à l'art technologique. Grâce à " Heart Beats Dust " et " Cone Pyramid " en 1968, il gagne le concours de l'Experiment in Art and Technology ". C'est le début de son succès américain.
Puis comme il habite dans un grand loft, il invite des artistes, des amis, à faire d'autres propositions. L'idée de performances collectives est née. Charlotte Moorman, Nam June Paik, Laurie Anderson, Claes Oldenburg, Charlemagne Palestine, Georges Maciunas, Carolee Schneemann, Joan Jonas, Philip Glass, Olga Adorno, Gordon Matta-Clark, Richard Serra,..... vont enchaîner de courtes actions régulées par la durée et parfois par un dispositif imposé (Whitney Museum, Judson Church). À la Kitchen, il organise la soirée "Soup and Tart" où 40 artistes font une petite pièce n'excédant pas 2 mns.

Jean Dupuy et Sylvie Cotton, Festival Full Nelson, USA, 2002.

L'état d'esprit du "Lazy Art" repose sur le principe de " laisser faire " les uvres par les autres. Le plus important selon Dupuy est " to have fun ". Et comme par hasard, Charles Dreyfus l'a aidé à aménager son loft en 1972 (en compagnie de Philipp Glass).
Jean Dupuy s'entendra si bien avec Georges Maciunas, une telle complicité les unira, qu'il héritera de son loft à la mort de ce dernier, non sans générer certaines jalousies.

Jean Dupuy et Sylvie Cotton, Festival Full Nelson, USA, 2002.

 

 

L'IMPORTANCE DES POÈTES

Plus personne aujourd'hui ne conteste le rôle fondateur et initiateur des poètes dans l'élaboration des grands mouvements artistiques.
Baudelaire a rattaché la poésie au monde de l'art et fait du poète un artiste, Rimbaud a relié l'art à la vie, et Mallarmé changé le poème en ballet typographique ou en poème - partition. Les mouvements d'avant-garde du début du siècle ont été créés par des poètes : le Futurisme par Marinetti, Dada par Tzara et Haussmann pour ne citer qu'eux, Merz par Schwitters et Cobra par Dotremont.
L'espace cosmique et galactique ouvert par le "Coup de Dès" de Mallarmé en 1897 est prépondérant pour l'art du XX° siècle où se retrouvent deux notions déterminantes : la notion de "hasard" (Mallarmé) et celle du "silence" (John Cage).

La Poésie Sonore et Action

Beaucoup d'écrivains lisent à haute voix leurs textes devant un public recueilli et admiratif. Ces lectures publiques n'ont rien à voir avec la Poésie Sonore.
D'après le Suisse Vincent, dans l'ouvrage " Cent Titres " au CIPM, ce terme établi dans les années 50 (ou remis au goût du jour après que le dadaïste Hugo Ball vers le début du siècle, eût fait usage du terme Lautgedicht -ou poème de son-) se référait en particulier aux expériences menées dés la fin de la deuxième guerre par divers pionniers de la musique électro-acoustique et concrète (en France autour de Pierre Schaeffer).
Capitales sont également les désintégrations langagières mises en uvre lors des soirées Dadaïstes du Cabaret Voltaire, les expérimentations vocales et phonétiques de créateurs comme Raoul Haussmann, Michel Seuphor, Pierre Albert Birot et Kurt Schwitters et sa fameuse Ursonate. Dès le début des années 50 les poètes se revendiquent comme sonores.
La poésie sonore demeure rarement publiée par les médias habituels. Si l'on voulait désigner le médium privilégié de la poésie sonore, - ce serait bien plus que le livre, le disque, ou l'enregistrement vidéo -le corps. (Henri Chopin (France) ; les Australiens Amanda Stewart et Chris Mann ; Paul Dutton, Steve McCaffery, Mark Sutherland et Nobuo Kubota (Canada) ; Jaap Blonk (Pays-Bas), Valeri Scherstjanoi (Russie-Allemagne), Giovanni Fontana, Enzo Minarelli (Italie), Katalyn Ladik (Hongrie), les jeunes anglais Chris Jones et Alistair Noon, la liste serait bien longue, je ne peux tous les citer.


Festival Rethinking the Avant Garde, Leicester, 2001 (Henri Chopin, Steve McCaffery, Emmet Williams, Enzo Minarelli, Chris Mann, Bob Cobbins, .)

Les poèmes action de Bernard Heidsieck sont de véritables opéras miniatures. Ce pionnier (avec Henri Chopin) de la Poésie Sonore depuis 1955 utilise dés 1959 l'usage du magnétophone comme un moyen d'écriture et de retransmission complémentaire.
Robert Filiou en 1961, avec son poème " A 53 kilos poem " utilise le mot Poésie Action.

Henri Chopin.


" Il ne s'agit plus d'écrire un texte, mais un événement, d'en composer l'organisation par des sons, objets, silences, gestes, souffles et textes qui sont les matériaux du poème et son extension " (Jean-Noël Orenco, Cent Titres).
Michel Métail, Jean-François Bory, Julien Blaine, le non moins excellent Joël Hubaut, le " chaman " Serge Pey, Bartolomeo Ferrando en Espagne, Bianca Menna, Arrigo Lorra-Tottino en Italie, Fernando Aguiar au Portugal, la liste ici aussi serait très longue. Encore une fois, toutes mes excuses aux absents !

J. Blaine

Il faut mentionner aussi la nouvelle génération des poètes, soutenus par Laurent Cauwet et les éditions Al Dante et largement applaudis par Bernard Heidsieck. Ces derniers apportent à la scène poétique la bouffée d'oxygène nécessaire, et la relève assurée après la poésie ordinateur de Jacques Donguy, Philippe Castellin, Tibor Papp, Claude Maillard , les poèmes écorchés de Katy Molnar, la prose de Christophe Tarkos, et ceux de la revue Java, Vanina Maestri, Jacques Sivan et Jean-Michel Espitallier. Parmi eux, Christophe Hanna, Christophe Fiat, Nathalie Quintane, Stéphane Bérard, Laure Limongi, Anne-James Chaton, Manuel Joseph, Olivier Quintyn, Daniel Foucard, Eric Arlix, Jérome Gontier , Thibaud Baldacci

Bernard Heidsieck

La récente disparition du théoricien et professeur Nicholas Zurbrugg en octobre 2001 a laissé un grand vide dans les milieux performatifs et poétiques qu'il défendait et soutenait avec le talent et la ferveur que nous lui connaissions. Ses grandes connaissances dans ce domaine lui avaient inspiré nombreuses publications et la création du Festival " Rethinking the Avant-Garde" à l'Université De Montfort, Angleterre, où il enseignait. Sa connaissance du continent australien où il avait passé 17 ans contribuaient à donner à cet insatiable pionnier, la curiosité nécessaire à l'analyse des influences variées représentatives de notre époque. Sa grande originalité, sa sensibilité, son humour, et surtout sa générosité hors norme laissent à tous ceux qui l'ont connu le souvenir nostalgique de cet homme délicieux et unique.

Nicholas Zurbrugg, Polysonneries 1999.