LA PERFORMANCE : UN CONSTAT D'INTERÊT
PUBLIC
À l'heure où nous ne pouvons que constater l'état
de régression général dans lequel se trouvent
les arts plastiques qui deviennent le parent pauvre de la culture
en raison du laisser-faire de l'Etat, la situation de l'Art Vivant
devient aussi grave, voire explosive.
Le constat est que, en France, toute initiative qui ne vient
pas de l'institution n'est pas à priori approchée
avec ouverture et que si cette initiative arrive à prendre
vie ou survie, elle doit le faire dans des conditions qui relèvent
....... de la performance ! Et dans tous les cas avec des budgets
dérisoires.
Alors au milieu de ce marasme, que dire de la Performance qui
a toujours été considérée comme un
art mineur ?
20 ans auparavant, Orlan et Hubert Besacier ont connu déjà
les mêmes problèmes avec leurs Symposiums d'Art
Performance (1978-1983). Lyon était devenu une capitale
de l'art performance, et leur courage et leur optimisme n'a pu
résister à long terme au manque de soutien financier.
Il est curieux de constater que la situation n'a pas évolué
depuis tout ce temps. Secouer le cocotier lyonnais, n'est pas
une mince affaire.
Or le Festival Polysonneries entend bien perpétuer
cette tradition, et être le lien entre le passé
et la pertinence des recherches les plus actuelles, et maintenir
un climat de confrontation pluridisciplinaire, tout en gardant
un pied solidement ancré dans le domaine des arts visuels.
En invitant les spécialistes des différentes pratiques
performatives et des critiques ou des théoriciens ouverts
à ces mixtions insolites, nous pouvons affirmer l'évolution
notable de ces pratiques alternatives et présenter à
des spectateurs soucieux d'authenticité les différents
états de l'Art Performance dans leur dimension internationale.
Festival Polysonneries avec Pierre Restany au centre.
HISTORIQUE.
Si la performance consiste à présenter l'uvre
en train de se faire, elle a aussi son histoire : le Futurisme,
en passant par le Dadaïsme, Marcel Duchamp, Fluxus jusqu'à
la poésie action de Pierre Albert Birot, Kurt Schwitters
pour le poème phonétique, John Cage, Zaj et Gutaï,
le Happening, la poésie sonore et action, l'art corporel...
pour ne citer que ceux-là.
Arnaud Labelle-Rojoux dans son livre, l'acte pour l'art écrit
:
" Le mot "performance" apparaît pour la
1e fois selon Jacques Donguy en 1970 sous la signature de M.
Hein dans le "Journal of Aesthetics". Il est à
mon avis antérieur : les actions de Rauchenberg sont couramment
nommées performances, Suzi Gablik utilise ce terme en
69 dans le catalogue : Pop Art redefinited.
David Medalla, dès 1965 dit : dans l'art performance,
l'artiste est l'outil de l'art, il est l'art "
Liée généralement aux années 70,
la performance apparaît déjà dans les années
60. On peut se rappeler alors les interventions de Ben Vautier,
Gilbert & George et Joseph Beuys.
En 1959, l'Américain Allan Kaprow réalise 18 happenings
in Six parts à la Reuben gallery à New York , et
Jean-Jacques Lebel l'Anti-procès en 1960.
Mais les happenings outranciers de Jodorowski, un éphémère
panique monté avec Topor, Arrabal, Leyaouanc, avaient
pour but de ne pas durer plus d'une journée, et de laisser
des traces qui restent gravées à l'intérieur
des êtres humains et se manifestent par des changements
psychologiques (" Mélodrame sacramentiel ",
2e Festival d'expression libre de Paris, mai 1965, au Centre
Américain).
En Pologne, Zbigniew Warpechowski fait sa première performance
en 1967, bien avant que n'apparaisse dans son pays le mot Performance,
entendu pour la première fois à Varsovie et à
Lublin, lors des Festivals organisés respectivement par
Henryk Gajewski et Andrzej Mroczek in BWA Gallery en 1978.
En 1975, à Marseille, Roland Miller et Shirley Cameron
citent alors le mot " performer artist ".
En 1968, à Lyon, Jean-Claude Guillaumon invite Ben, Filliou,
Dietman, Guinochet et Georges Brecht à manger sur le thème
" oublier l'art et venez manger avec nous ".
En 1969, Vito Acconci performe pour la 1e fois et Michel Journiac
fait à la galerie Templon la " Messe pour un corps"
, action au cours de laquelle il fait communier le public avec
son sang préparé sous la forme de boudin.
En réaction dès le début des années
70, à l'encontre de l'art officiel prôné
par l'institution, on constate aujourd'hui que le côté
revendicateur de la performance a été désormais
digéré, et qu'elle s'est ouvert sur des champs
d'action plus larges, laissant à l'artiste toute la liberté
d'utilisation des nouvelles technologies à sa disposition.
Même s'il existe toujours quelques irréductibles,
qui revendiquent et dérangent l'établissement bien
pensant par des actions contenant toujours quelques relents sulfureux,
on constate dans ce domaine une évolution aussi importante
que celle des autres domaines artistiques (ex : Istvan Kantor
au Canada, Guillermo Gomez-Pena avec la Pocha Nostra au Mexique,
André Stitt en Angleterre, Marie-Claire Cordat en France).
Istvan Kantor (Polysonneries 2001).
Istvan Kantor -alias Monty Cantsin- en est une illustration
parfaite. Il puise dans le rock et la culture de masse. Il
estime que dans notre société technologique, la
survie et la paix sont contrôlées par des engins
de destruction massive. Le bruit de la machinerie crée
et détruit toute chose. Avec son uvre "Executive
Machinery", dont une version a été réalisée
en clôture du Festival Polysonneries 2001 à Lyon,
par une " symphonie bruitiste post millénaire des
archanges trans-techno de la destruction", il fait une déclaration
définitive mais poétique.
Les actionnistes
Toutes les publications sur la performance mettent l'emphase
sur l'école de Vienne (Nitsch, Muehl, Brus, Schwarzkogler),
et il est vrai que c'est important. La forte teneur des photos
de leurs actions est un phénomène que tous reconnaissent
et beaucoup de performances des actionnistes avaient lieu sans
public, uniquement pour la photo et le film. En France Michel
Journiac, Gina Pane et Urs Lüthi représentent l'Art
Corporel. Et le poète Vito Acconci en est le représentant
majeur aux USA. Le terme apparu en 1970 est né de l'énoncé
que le corps est la donnée fondamentale et que c'est en
lui qu'il faut chercher les réponses.
Plus tard, Orlan signe l'Art Charnel qu'elle définit
comme un travail d'autoportrait au sens classique, mais avec
l'aide des moyens technologiques qui sont ceux de notre présent.
Entre défiguration et refiguration. Ce travail s'inscrit
dans la chair car notre époque nous permet cette possibilité.
Orlan, Festival Polysonneries 1999.
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